Quand on aime les champignons, on peut aisément garnir les étagères de ses bibliothèques grâce à une littérature abondante sur la question. Mais s’il ne fallait en garder qu’un, ce serait peut-être le Grand Guide Larousse.
Quand on aime les champignons, on peut aisément garnir les étagères de ses bibliothèques grâce à une littérature abondante sur la question. Mais s’il ne fallait en garder qu’un, ce serait peut-être le Grand Guide Larousse.
Je suis allée rendre visite à Julien Diaz, chef du restaurant étoilé L’Oggi, à Lumio, en Haute-Corse. Un voyage au cœur de la Balagne pour recueillir ses souvenirs de champignons mais aussi pour rapporter une recette, bien sûr. Suivez le guide.
De Marseille, où il est né, à Lumio, où il exerce aujourd’hui, Julien Diaz n’a eu qu’à franchir la Grande Bleue. Une Méditerranée qu’il peut difficile quitter et qu’il revendique haut et fort, fier de son ascendance : grand-mère maternelle d’origine napolitaine, et grand-père paternel espagnol, originaire de Carthagène.
Et quand on lui dit « champignon », c’est l’enfance provençale qui revient à sa mémoire. « Quand j’étais minot, on allait ramasser les champignons en famille. Des sanguins, des grisets, mais aussi des barigoules (sorte de lactaire délicieux, ndlr), un champignon excellent que l’on ne voit plus beaucoup, et que l’on trouvait nous dans la Plaine de la Crau.
Il est dur à repérer car il ressemble aux cailloux bruns que l’on trouve là-bas. La technique, c’est de tâter le sol avec un bâton pour ne pas à avoir à se baisser à chaque fois que l’on a un doute (rire). Pour les sanguins, on allait plutôt sur la Sainte-Baume avec mon frère, dans la forêt de résineux. On se couchait sous les petits pins pour les ramasser. » À la lecture, vous n’entendez pas l’accent mais fermez les yeux, vous y êtes.
APÉRO CHAMPIGNON
Aujourd’hui, chef étoilé de L’Oggi, dans l’Hôtel & Spa Chez Charles (4 étoiles), un établissement de la chaîne Châteaux & Hôtels Collection, il travaille les champignons en toutes saisons. À sa façon. « J’aime les cèpes, grillés ou crus en carpaccio, à l’huile d’olive et poutargue. Les autres, morilles, girolles ou pleurotes, je les fais sauter à huile d’olive avec de la ciboulette et de l’échalote, ou une persillade. Les girolles clou, je les cuisine au vinaigre et je les sers en entrée, avec de la burrata et un coulis d’herbes. J’aime aussi le champignon de Paris, que je taille cru en fines lamelles, comme un millefeuille, et en duxelles, avec un jus de viande et de l’huile d’argan. » Mais en famille, Julien revient aux fondamentaux : « Huile d’olive, persil et ail. Il n’y a que les sanguins que l’on fait parfois au vinaigre, en bocaux pour l’apéro. C’est excellent avec le pastis, bien meilleur que les cacahuètes. » Rien que pour vous, Julien m’a confié une recette, un peu ardue, mais qui vaut la peine de se lancer.
Plat de côtes de veau corse
Pour 4 personnes
Ingrédients
Pour le veau :
– 800 g de veau
– 1 oignon
– 1 carotte
– 1 tête d’ail
– 1 tomate
– 5 cl de cognac
– 30 cl de vin rouge
– 30 cl d’eau
– huile d’olive
– sel, poivre
Progression
Colorer le veau sur feu vif dans une plaque à rôtir avec de l’huile d’olive. Réserver. Dans la même plaque, faire colorer un oignon, une carotte, un tête d’ail coupée en deux et une tomate. Faire flamber le cognac, déglacer au vin rouge et ajouter de l’eau. Remettre le veau dans la plaque et faire braiser au four, à 110°c pendant 10h (une nuit). Une fois cuit, le tailler à froid avant de le glacer (arroser) avec le jus de braisage. Décanter la viande (la retirer du plat), fouler la sauce (la passer au chinois), puis la faire réduire à feu doux jusqu’à obtenir un jus sirupeux et lisse.
Pour les champignons :
– 8 cèpes
– 250g de girolles
– 250g de trompettes
– huile de noisette
– huile d’olive
– ail, échalote, persil
– vin blanc
– sucre, sel, poivre
Progression
Garder les plus jolis cèpes, les tailler en deux, les assaisonner puis les griller à la poêle ou sur un grill en les incisant avec un couteau pour dessiner un quadrillage. Cuire 5 à 6 minutes puis verser un filet d’huile de noisette. Faire suer les parures et les champignons abîmés avec de l’échalote et de l’ail. Déglacer au vin blanc et mouiller à hauteur avec un bouillon de volaille (fond blanc). Laisser cuire jusqu’à ébullition sur feu vif. Passer au chinois, et mixer en ajoutant le bouillon de cuisson, jusqu’à obtention d’une crème lisse et onctueuse. Rectifier l’assaisonnement (sel, sucre, poivre blanc) et monter à l’huile de noisette. Lisser au chinois étamine (passoire de forme conique). Faire sauter les girolles et les trompettes à cru avec de l’huile d’olive, de l’échalote ciselée, de l’ail haché et du persil ciselé.
Pour les pâtes :
– 8 conchiglioni
– huile de noisette
– eau, sel
Progression
Démarrer la cuisson à l’eau bouillante salée (40 g au litre). Laisser cuire 10 à 12 minutes à votre convenance. Egoutter et assaisonner avec de l’huile de noisette. Farcir avec les trompettes.
Pour la chlorophylle :
– oxalis
– persil
– estragon
Progression
Blanchir l’oxalis, le persil et l’estragon (10g/10g/10g), quelques secondes dans l’eau bouillante, et les jeter dans l’eau glacée. Presser puis mixer, et ajouter au fur et à mesure sel, sucre, poivre blanc, un peu d’huile d’olive et l’eau de cuisson, jusqu’à obtenir la consistance désirée.
Dressage
Regardez bien l’assiette de Julien… À vous de jouer.
Magda
Chez Charles
Route de Calvi
Lumio
20260 Calvi
Tél. : 04 95 60 61 71
www.hotelcorse-chezcharles.com
Quand on pense gastronomie et champignon, le premier nom qui vient à l’esprit, c’est celui de Régis Marcon. Le chef triplement étoilé de Saint-Bonnet-le-Froid lui dédie toute sa vie.
Il y a quelques mois, je vous ai présenté le magnifique livre de Régis Marcon (voir ici), au titre sobre et explicite : « Champignons » (La Martinière). C’est un véritable succès de librairie. En septembre 2014, il en était déjà à son quatrième tirage. Il faut dire que le chef du restaurant Régis&Jacques Marcon (son fils Jacques l’épaule depuis quelques années), sait de quoi il parle. Depuis l’âge de 5 ans, il court les sous-bois du Velay et du Vivarais, dans de sa Haute-Loire natale. Autour du plateau où culmine Saint-Bonnet-le-Froid, village d’à peine plus de 200 habitants et fief de sa famille, arrivée là en 1948, c’est le paradis du champignon, du lactaire à la morille, du charbonnier à l’amanite des césars, du sparassis au pied de mouton et au cèpe, bien sûr. Son père, parti trop tôt, l’a initié à l’art de la cueillette.
UN DÎNER TOUT CHAMPIGNON
Aujourd’hui, il connaît chaque bon coin, chaque spécimen. Il en cuisine aujourd’hui une trentaine de variétés différentes et plus de 30 kg par jour. Lors d’un récent passage à Paris pour un dîner dans le cadre du Prix Champagne Collet du Livre de Chef, pour lequel il est sélectionné, il insistait sur la diversité des usages possibles. « Je prépare les champignons cru en carpaccio, grillés, sautés, à l’étouffée, marinés. » Ce soir là, à Table Ronde (un lieu secret dédié à la haute gastronomie, ndlr), fêtant par la même occasion ses 43 ans de cuisine, il a déclenché l’enthousiasme des convives qui ont pu se régaler d’un menu tout champignons en huit plats (sans compter les amuse bouche et les mignardises) !
Parmi les merveilles servies, un gourmand gâteau de céréales aux 5 champignons, un délicat filet de saint-pierre braisé aux 3 chanterelles, un étonnant thé de trompettes à la feuille de tanaisie et son fameux praliné de cèpe (au goût d’amande et de noisette) sur un chevreuil cuit à la perfection. Mais là où Régis Marcon a vraiment surpris son monde avec une glace au clitocybe anisé dont le nom n’est pas usurpé. Du lait, du sucre, ce champignon, et rien d’autre, confèrent à la glace un goût d’anis d’une incroyable puissance. Les heureux privilégiés de ce dîner hors du temps se sont quittés joyeux après avoir apprécié, avec modération, quelques girolles à l’eau de vie.
CHAMPIGNON ET POESIE
On ne saurait donc trop vous recommander d’aller en pèlerinage à Saint-Bonnet-le-Froid, d’écouter Régis Marcon parler avec ferveur et érudition des champignons, et de repartir avec le petit recueil de textes, poèmes et dessins, écrit avec Gilles Liège dans la collection La Cuisine des Poètes, « Champignon vu ne pousse plus » (Gérard Guy).
Magda
Restaurant Régis&Jacques Marcon, Larsiallas, 43290 Saint-Bonnet-le-Froid. Tél. : 04 71 59 93 72.
Sans arbres pas de champignon et, parfois, sans champignons pas d’arbres. Arbre et champignon forment un véritable couple! On parle ici bien sûr des champignons que l’on aime cueillir, avec précaution dans les sous-bois à l’occasion de grandes balades bucoliques et gourmandes, pas d’autres organismes moins ragoûtants. Décryptage.
Les champignons dont nous nous régalons, pied et chapeau, ne sont que la fructification d’un vaste réseau souterrain, le mycélium, et ne représentent que 1% de l’ensemble. Loin de notre regard, des choses se passent. La relation entre l’arbre et le champignon est l’une des plus intimes qui soient. Un domaine passionnant étudié notamment dans l’unité Interactions arbres-microorganismes (IAM) de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) de Nancy. Cette relation est de trois types : saprophyte, parasite ou symbiotique.
Malgré leur nom qui pourrait laisser penser qu’ils sont bassement intéressés, les champignons saprophytes (ou saprotrophes, mais c’est moins joli) jouent un rôle capital dans le développement des forêts. Ils ont en effet la capacité de décomposer les matières mortes, végétales (feuilles et bois brûlé) et animales (cadavres et excréments), renouvelant ainsi l’humus. Le champignon de Paris est par exemple de ceux-là. On citera aussi le Pied-bleu, saprophyte du sapin, ou la morille ronde, fréquemment associée au frêne.
SYMPATHIQUES SYMBIOTIQUES
Les parasites sont moins sympathiques puisqu’ils vivent aux dépens de leur hôte, généralement jusqu’à ce que mort s’ensuive. C’est le cas de l’armillaire couleur de miel, qui prospère sur les conifères, mais aussi la vigne et les arbres fruitiers. La langue de bœuf s’attaque elle aux châtaigniers et aux chênes, tandis que le sparassis crépu menace les pins.
Quand aux champignons symbiotiques (ou mycorhiziens), ils vivent heureux auprès de leur arbre. Ils s’épanouissent dans un échange gagnant-gagnant, le champignon se nourrissant de glucose (sucre) fabriqué par la plante, lui offrant en retour de l’eau, des sels minéraux et une service de protection rapprochée contre les parasites.
C’est la belle histoire du cèpe de Bordeaux avec l’épicéa en montagne, du lactaire délicieux (le préféré du chef Hervé Rodriguez) avec les pins, du bolet orangé avec le bouleau et le tremble, ou encore de la chanterelle, du pied de mouton et de la russule charbonnière, qui craquent indifféremment pour les feuillus ou les conifères.
Pour en savoir plus, je vous recommande chaudement la rubrique Champignons du site très complet de l’Office national des forêts (ONF).
Magda
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