Monthly Archives: February 2015

Champignon et littérature

comte champignac ChampignonLitterature
En mars 2015 sortira un petit livre destiné aux enfants et dont le titre me plaît tout particulièrement : « Champignon enchanté ». Ce n’est pas la première fois que le champignon sert de support à l’imagination des grands et des petits.

Avec ses vertus bienfaisantes mais aussi sa venimosité potentielle, avec ses formes et ses couleurs tantôt fascinantes tantôt inquiétantes, avec sa capacité à sortir de terre en un clin d’œil, pour disparaître presque aussi vite, le champignon suscite la curiosité et a toujours nourri l’imaginaire des artistes en général. Dans ses tragédies, le dramaturge anglais William Shakespeare l’utilise pour introduire une dose de fantastique et de surnaturel. Il fait plusieurs références au rond de sorcières, ou cercle des fées, ou mycélium annulaire, cette formation naturelle créée par différents champignons, le plus fréquemment par le Tricholome de la Saint-Georges, le Marasme des Oréades et le Clitocybe géotrope. On le retrouve ainsi dans la Tempête, Songe d’une nuit d’été, les Joyeuses commères de Windsor et Macbeth (*).

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Chez les auteurs russes, marqués par la culture de la cueillette du champignon, sport national et occasion d’échanges et de partage en famille, il est montré sous son plus beau jour. Dans « Anna Karénine », Léon Tolstoï décrit une scène d’apaisement entre la princesse Daria Alexandrovna Oblonskaya et ses enfants, autour d’une balade sylvestre à la recherche des précieux chapeaux. En revanche, dans les polars, le champignon est surtout l’arme du crime. Et dans la littérature fantastique, il joue un tout autre rôle. Ainsi, dans « Alice au pays des Merveilles », de Lewis Carroll, il est utilisé par l’héroïne pour retrouver sa taille normale, morceau par morceau sur le conseil d’une chenille qui fume le narguilé…

 

les-aventures-de-tintin---l-etoile-mysterieuse-1243002 ChampignonLitteratureMais c’est dans la bande dessinée qu’il marque sans doute le plus les esprits. Chacun se souvient de la couverture de « Tintin et l’Etoile Mystérieuse », de Hergé, qui représente un champignon blanc et rouge géant, prospérant sur un météorite. Le dessin à l’encre de Chine est même devenu le champignon le plus cher du monde puisque vendu récemment 2,5 millions d’euros. Personne n’a oublié non plus les Schtroumpf, de Peyo, dont les maisons sont aménagées dans des champignons. Enfin, dans les aventures de Spirou et Fantasio, de Franquin, l’un des personnages, le comte de Champignac, est même mycologue. Il se balade fréquemment dans les villages de Chanterelles-sous-bois et de Colombey-les-Deux-Girolles…

 

Avec ses 30 volets colorés que l’on soulève pour découvrir des secrets, et un magnifique pop-up final, « Champignon enchanté » (Gründ Jeunesse), de Benji Davies, s’inscrit dans ce droit fil. À offrir aux tout-petits.

 

Magda

 

(*) Source : Les champignons dans la littérature, de Elaine Després.

Abeilles et champignons

Grâce à une découverte presque fortuite du mycologue américain Paul Stamets, une nouvelle piste de préservation des abeilles en danger s’ouvre aujourd’hui. Elle passe par les champignons.

 

Coiffé de son chapeau en forme de champignon, Paul Stamets (dont je vous avais déjà parlé ici) n’en revient pas lui-même. Sur scène, à San Rafael (Californie), face à un parterre de fans en délire venus assister à la 25e conférence de Bioneers, une organisation à but non lucratif promouvant de bonnes pratiques et des solutions innovantes pour répondre aux défis des crises environnementales et bio-culturelles, il fait une révélation inédite : les abeilles ont besoin des champignons.

 

Paul Stamets n’a trouvé aucune trace de travaux en ce sens, aucune publication. Il faut dire que lui-même n’y aurait pas pensé s’il n’avait observé un jour son jardin. En s’approchant du sol, là où il cultivait des champignons, il est tombé nez à nez avec des abeilles. Elles avaient soigneusement creusé la terre pour atteindre le mycélium et le sucer avidement. Le ballet a duré 40 jours non stop, de l’aube au crépuscule. Paul Stamets s’est souvenu de cette anecdote lorsque son ami, le réalisateur Louie Schwartzberg, lui a demandé comment sauver les abeilles d’une destruction programmée par les mauvaises pratiques des hommes.

 

En menant quelques études, soutenu notamment par l’entomologiste américain Walter S. Sheppard, Paul Stamets a constaté que les abeilles utilisaient le mycélium de certains champignons poussant sur les arbres (le bouleau en particulier), pour augmenter leurs défenses immunitaires. C’est le cas du Fomitopsis pinicola (Red belted polypore en anglais), de l’Amadouvier, du Chaga et du Reishi rouge (connu pour ses vertus pour lutter contre l’arthrite). Le Chaga régule par ailleurs la population du Varroa, un acarien parasite de l’abeille adulte.

 

À partir de cette découverte, Paul Stamets est en train de développer un « alicament » pour les abeilles à miel, le MycoHoney (littéralement miel de champignon). Mais, il démontre surtout, si cela était encore nécessaire, l’urgence de lutter contre la déforestation, qui élimine mécaniquement ces champignons et, par effet ricochet, les abeilles.

 

Voir la conférence de Paul Stamets : https://www.youtube.com/watch?v=DAw_Zzge49c

 

Magda

Regime champignon

Substituer les champignons à la viande pourrait bien être l’une des pistes les plus sérieuses pour lutter contre l’obésité. Les recherches du Dr Lawrence Cheskin plaident pour cela.

 

Le Dr Lawrence Cheskin, directeur du John Hopkins Weight Management Center, à Baltimore (Etats-Unis), a de la suite dans les idées. En 2008, il a conduit une première étude sur les champignons dans les régimes alimentaires. Pendant quinze jours, deux groupes de personnes mangeaient le même plat (des lasagnes ou du chili, par exemple), cuisiné de la même façon, la différence étant que, dans l’un il y avait de la viande, dans l’autre celle-ci était remplacée par des champignons. Les plats de viande affichaient 783 calories en moyenne, les plats à base de champignons seulement 339. D’une semaine sur l’autre, les membres de chaque groupe intervertissaient leur alimentation, passant de la viande aux champignons et réciproquement. Le résultat fut éloquent : les sujets qui mangeaient des champignons consommaient 1 485 calories de moins sur quatre jours que ceux qui se nourrissaient de viande. La conclusion la plus surprenante est là : non seulement les champignons affichent un bilan de calories et de lipides égal à 0, ce que l’on sait depuis longtemps (de même que je vous rappelais leurs vertus pharmacologiques), mais surtout, ni l’appétit du mangeur, ni sa satisfaction à la dégustation, ni son sentiment de satiété ne sont affectées. En résumé, remplacer la viande par les champignons n’apportent aucune frustration, ni physique, ni physiologique, ni psychologique.

 

Le Dr Cheskin a reconduit son expérimentation en 2013, cette fois avec un groupe de 73 personnes et sur une période de un an. Même type de résultat : en mangeant un bol de champignons à la place d’un morceau de viande, les sujets consomment en moyenne 123 calories de moins par jour. Ils ont aussi perdu du poids, du tour de taille, fait baisser leur IMC (indice de masse corporelle) et leur taux de cholestérol. « Quand nous recommandons de substituer un type de nourriture à un autre pour diminuer les calories et aider à contrôler son poids, nous nous demandons rarement si nos patients vont compenser la perte en calorie en mangeant plus ou en mangeant autre chose, explique le Dr Cheskin. En théorie, on peut perdre 50 kg en remplaçant les sodas par des sodas allégés mais, en pratique, cela n’arrive jamais. Nous pensons que remplacer plutôt des nourritures solides par d’autres peut nous permettre d’obtenir de meilleurs résultats. » Et parmi toutes les nourritures solides, ce sont les champignons qu’il a choisis. CQFD.

 

Magda

Le roi Matsutaké

Dans la grande famille des champignons, il en est un qui tient une place à part. Vénéré par les Japonais, le matsutaké est devenu un mets de choix, presque à l’égal du caviar ou de la truffe.

 

Pour mieux comprendre où pousse le matsutaké, il suffit de faire un peu d’étymologie. En japonais, « matsu » signifie pin et « také » champignon. On trouve aujourd’hui ce champignon des pins plutôt dans le sud de la Chine, mais l’Amérique du nord (Etats-Unis et Canada), les pays nordiques (Suède, Finlande) et même le Mexique, sont des zones de récolte en nette croissance. En revanche, au Japon, les consommateurs en sont tellement friands qu’il a été surexploité jusqu’à quasi extinction. Cela explique aussi le prix exorbitant que peut atteindre le kilo de matsutaké dans l’archipel. On raconte que certains chefs ont dépensé jusqu’à 10 000 $ (environ 8 830 €) pour un kilo. Pour des spécimens issus de la production domestique résiduelle, les tarifs peuvent s’envoler jusqu’à 2 000 $/kg (environ 1 766 €), tandis que sur le marché de l’importation, les prix tournent plutôt autour de 90 $/kg (environ 80 €). Au Japon, cela constitue un cadeau très apprécié, généralement dans une jolie boîte en bois, une façon de vénérer la nature fertile et ses bienfaits.

 

Ce qui plaît chez lui, c’est d’abord sa taille, jusqu’à 25 cm, symbole de majesté, puis la texture de sa chair blanche particulièrement charnue, promesse de festin complet. Le pied est imposant et le chapeau le surmonte en le surpassant à peine en largeur. Une forme phallique qui n’a pas échappé à ceux qui lui prêtent des vertus aphrodisiaques. Mais c’est surtout son odeur qui ravit les amateurs. Terreuse et épicée, elle recèle des parfums de pin, de poivre et la cannelle. Au Japon, il est fréquemment utilisé pour relever en saveurs un simple bol de riz blanc (matsutaké gohan) ou une soupe. « Le visage de tout Japonais à qui j’ai déjà tendu un matsutaké s’illumine toujours de la même façon : comme quelqu’un qui reçoit sa première bicyclette, raconte Constance Green, fondatrice de Wineforest, un fournisseur de champignons pour quelques grands chefs américains. À chaque fois, le regard émerveillé, il prend le champignon avec précaution, le porte jusqu’au nez et respire un grand coup en fermant les yeux. »

 

À vous de tenter l’expérience !

 

Magda