Monthly Archives: November 2014

Les mystères de la truffe

Objet de toutes les convoitises, la tuber melanosporum ou truffe noire du Périgord, conserve quelques-uns de ses mystères. Pour les lever, des scientifiques n’ont pas eu trop de quatre ans. Sous le nom de code Systruf, ils ont planché, de 2009 à fin 2013, sur un programme de recherche capable de déterminer les « Bases d’une intensification écologique durable des écosystèmes truffiers », financé par l’Agence Nationale de la Recherche et la Région Languedoc-Roussillon.

 

L’étude devait notamment tenter de donner des solutions à la baisse vertigineuse de la production française de truffe, passée de 100 tonnes il y a 50 ans à 30 tonnes en moyenne depuis les années 90. Pour aider les trufficulteurs, les chercheurs ont étudié la merveille sous toutes les coutures : génome, écologie, nutrition, développement, reproduction et interactions avec les plantes, les autres champignons et les bactéries.

 

Plusieurs conclusions ont retenu l’intérêt de la communauté. Par exemple, la croissance des truffes dépend de la photosynthèse de l’arbre hôte, et non de la matière organique venue du sol. Pour que la truffe puisse prospérer à partir des sucres produits par les feuilles et transférés aux racines, on recommande donc désormais d’éviter les tailles d’été qui freinent la croissance de l’arbre et de limiter au maximum le stress hydrique. D’autre part, on savait que le chêne et le noisetier étaient les meilleurs amis de la truffe mais on a découvert qu’elle apprécie aussi les orchidées du Sud-Est de la France. Dernière piste d’étude à approfondir : le rôle des bactéries du sol, retrouvées à l’intérieur de tuber melanosporum, dans le développement de la truffe et la formation de son arôme.

 

Le projet Systruf a réuni le Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive du CNRS, les laboratoires Interactions arbres/microorganismes (Inra, Université de Lorraine), Biogéochimie des écosystèmes forestiers de l’Inra, Agronomie et environnement (Inra, Université de Lorraine), Écologie et écophysiologie forestières (Inra, Université de Lorraine), Symbioses tropicales et méditerranéennes (CIRAD, IRD, Université Montpellier 2, SupAgro), ainsi que la Fédération Française des Trufficulteurs (FFT) et le Centre d’études techniques et économiques forestières (Cetef).

 

Un grand merci à tous ses chercheurs de nous fournir les moyens de nous régaler encore longtemps !

 

Magda

Le salut par les champignons

Les champignons pourront-ils sauver le monde ? Cette question, les cinéastes Thomas Sipp et Anne Rizzo se la posent dans un documentaire diffusé en octobre 2013 sur Arte, et qui reste d’actualité. Explications.

 

À la base des recherches sur le pouvoir des champignons, il y a un constat simple : ils colonisent la terre depuis des centaines de millions d’années, ont survécu aux grandes glaciations, aux vagues d’extinctions des espèces, et même à l’arrivée des humains. C’est dire s’ils sont résistants et, pourquoi pas, dotés d’une forme d’intelligence singulière. Mark Fricker, biologiste à l’Université d’Oxford, le pense. En déposant des flocons d’avoine auxquels il a inoculé une moisissure, Physarum Polycephalum, sur une carte du Royaume Uni, sur des points correspondants à quelques grandes villes, il a recréé le réseau ferroviaire britannique. Avec des variantes susceptibles d’inspirer les ingénieurs pour atteindre une meilleure fluidité.

 

Cette capacité à construire des réseaux parfois gigantesques, propre au mycélium, partie immergée des champignons (qui n’en sont que les fruits), donne lieu à bien d’autres expériences concrètes. Ainsi, dans le cadre du projet de Grande Muraille Verte, les champignons sont utilisés pour repousser l’avancée du désert, de Dakar à Djibouti. Des jujubiers mycorhizés au Glomus aggregatum sont plantés avec des chances certaines de croître et prospérer, dans un échange gagnant entre la plante, qui apporte le sucre, l’énergie, et le champignon, qui lui rend l’eau et les sels minéraux (comme je vous l’expliquais dans un précédent article : « Le couple arbre et champignon »).

 
 

SYMBIOSE ET DÉCOMPOSITIOn

 
 

La symbiose mycorhizienne, Guillaume Bécard, enseignant-chercheur du Laboratoire de recherche en sciences végétales de Toulouse, en a fait sa spécialité. Il a notamment identifié les « facteurs Myc », signaux symbiotiques envoyés par le mycélium et capables de stimuler la formation de racines. A l’instar de ce qui se fait pour la Grande Muraille Verte, il prône la réintroduction des champignons symbiotiques dans les cultures pour limiter les traitements. Dans le même esprit de préservation de la planète, le mycologue américain Paul Stamets a mis au point une technique de dépollution des sols, la mycoremédiation, qui s’appuie sur le pouvoir des champignons de décomposer les matières organiques. En 2012, des chercheurs américains ont d’ailleurs découvert que Pestalotiopsis microspora, un champignon amazonien, possédait un fort potentiel de dégradation du polyuréthane;

 

La réponse à la question posée par le documentaire de Thomas Sipp et Anne Rizzo, pourrait bien être « oui ». Pour en savoir plus, je vous invite à visionner leur film, disponible ici.

Magda